« Qui sommes nous….. Qui suis je ? »

Pourriez- vous nous présenter vos parcours depuis votre enfance jusqu’à maintenant ?

Je suis née à Antananarivo, Madagascar, mon père est d’origine Antemoro et ma mère Sakalava de Nosy Be, et j’ai grandit à Toamasina jusqu’à mon départ pour la France en 1995, deux ans après la naissance de ma première fille aînée. Je suis mariée.

Pouvez-vous nous présenter vos activités et occupation ?

Avec l’aide et l’appui de deux amies, femmes médecins, les Dr Damasy Zanamiarana Andriambao et le Dr Ndahimananjara Johanita, à l’initiative de ma fille, elle-même drépanocytaire, j’ai fondé la première ONG en charge de la lutte contre la Drépanocytose à Madagascar, depuis Mars 2005 (LCDM SOLIMAD), à l’initiative de la Première Politique Nationale de lutte contre la Drépanocytose et du programme du même nom à Madagascar. De l’essence même de ce que j’ai vécue en tant que maman, de ce que vie ma fille, et de ce que j’ai pu voir à travers le Monde, nous en avons fait tout un programme pour la Nation Malagasy et cela pour la postérité.

Pendant de longues années, nous avons autofinancé toutes les activités avec nos propres deniers …

J’appui également les associations des pays du REAL (Réseau Africain de lutte contre la Drépanocytose, incluant le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et Madagascar) que je préside pour une durée de 3 ans depuis Mars 2019. Un réseau Initié par la Direction de la Coopération Internationale de la Principauté de Monaco.

Dans ce secteur, l’éthique est souvent mise à mal et l’être humain est relégué au second degré face aux chiffres et à toutes formes de rentabilité. Il y perd même son identité et devient « le substitut de la maladie ». J’ai alors entreprit de passer un diplôme Universitaire pour décrocher un Diplôme d’Éthique en Sciences Humaines et sociales à Paris Descartes.

Vous allez me poser la question si je suis bénévole depuis ? la réponse est oui… Cela surprend tout le monde… Afin de valoriser un peu plus ce statut au bénéfice de tous, j’espère transformer ce statut prochainement car c’est un travail à part entière et chronophage.

Je ne « travaille » donc pas en tant que tel, pas en ce moment pour des raisons personnelles, ces programmes et les plaidoyers occupent la majorité de mon temps, en dehors de ma vie familiale.

Quelle est selon vous votre place dans la société en général ?

Je me positionne comme étant un membre de la Diaspora Malgache, militante active majoritairement dans mon domaine de prédilection : Santé et sociale, mais je participe et collabore activement auprès de plusieurs NGO en charge de l’environnement, la promotion de la femme, la protection maternelle et infantile, ceux qui oeuvrent auprès des populations migrantes, la discrimination ainsi que l’exploitation des enfants et des personnes vulnérables … des domaines qui peuvent paraître bien éparses et dispersés mais qui nous ramènent toujours au Respect de la Dignité Humaine.

Vos réalisations et témoignage?

Nous axons nos activités depuis 15 ans aujourd’hui sur les : campagnes d’IECC (Sensibilisation, Education, Changement de comportement, Prévention et Dépistages). toujours en partenariat avec Le Ministère de la Santé Publique de Madagascar, depuis notre création et le soutien de l’OMS Bureau Madagascar depuis 2008.

Nous n’avons cessé de mobiliser les partenaires techniques et financiers autour de ce fléau à Madagascar, ce qui nous a valu d’être aujourd’hui les experts du renforcement d’un projet multipays, intégrant Madagascar, coordonné par une institution française , IECD ( Institut Européen de coopération et de développement), toujours dans le cadre de la drépanocytose mais cette fois ci dans le renforcement des dépistages néo-nataux et l’amélioration de la prise en charge des drépanocytaires dépistés, dans 5 régions ciblés. Un projet soutenu par la Fondation Pierre Fabre et la DCI de Monaco puis l’AFD.

Puis nous avons également organisé deux congrès International dont le premier en 2008 et le second en 2018 qui a également regroupé le 7ème symposium du REDAC à Antananarivo.

Un Premier Guide de Prise en charge de la Drépanocytose à Madagascar a été élaboré et diffusé en 2011, puis un second Guide plus élaboré a été conçu par le comité scientifique du REAL, où tous les experts de la maladie, des pays du REAL ont œuvré afin d’aboutir à un protocole unique de prise en charge. Nos pays ayant les mêmes préoccupations au niveau du système de santé et faces aux autres maladies endémiques, propres aux pays du Sud, ce guide dont l’approche est pluridisciplinaire, s’adresse tout autant aux cliniciens, chirurgiens mais aussi aux paramédicaux dont un volet pour les agents communautaires.

Bien que la Drépanocytose puisse être l’une des maladies génétiques la plus fréquemment dépistée dans le Monde, elle ne bénéficie pour autant pas des moyens techniques et financiers nécessaires. Les fonds que nous pouvons mobiliser servent pour le moment et prioritairement à financer les traitements de bases des drépanocytaires dépistés, les dépistages y compris les consommables et les rares campagnes de sensibilisations d’informations et de communications, pourtant plus que capitales dans ce genre de disciplines.

Alors pour pouvoir mobiliser les fonds et renforcer nos plaidoyers au niveau international, je mets à profit mes voyages et nos déplacements personnels, financements propres, au bénéfice du programme drépanocytose à Madagascar et des pays que je soutien. Chaque rencontre et présentation ou entretien pouvant contribué à l’amélioration de ce programme seront capitalisés.

Nous avons mis en place : les appareils de dépistages tout public et néo-natal à Madagascar. Le renforcement des structures de soins et la mise en place des centres de santé de références de proximité sur la prise en charge de la Drépanocytose.

Nous avons tenu à ce que les zones enclavées et où la prévalence de la drépanocytose est élevée, soit équipée. Telles que : Maroantsetra, la région SAVA, Fort Dauphin, Manakara pour le Sud Est, Toamasina … malheureusement en dehors des appareils disposé à HJRA Antananarivo, ceux des régions n’ont pu continuer à être fonctionnels faute d’être pris en charge par l’Etat Malagasy. Ce qui représente 5 appareils sur 6.

Toutefois, ceux-ci étant aujourd’hui obsolètes au vue de l’évolution des méthodes de dépistages, un changement total de nos pratiques est à venir ainsi que des appareils à mettre en place. Le Rapid Test déjà en cours pourrait être le modèle idéal afin de réduire notamment les risques liés aux appareils fixes à énergies et de besoins de maintenance, mais également un accès rapide aux test pour tout public dans un délai de moins de 10 Minutes. Une prise en charge immédiate des cas dépistés.

Nous avons également à notre actif réalisé, des formations des médecins par des personnels de santé et Professeurs Universitaires qualifiés. La mise en place du premier logiciel DrepanoMrs, de suivi des malades et leurs familles en collaboration avec les Laboratoires Lartics de Madagascar. Un outil qui permet de réduire la mortalité et les complications de la drépanocytose dus aux errances de diagnostics et à l’enclavement des populations.

85% des enfants de moins de 5 ans meurent avant l’âge de 5 ans faute de soins, à cause des infections (source OMM). Ceci est souvent dû au manque de diagnostic précoce, d’où nos campagnes de sensibilisation et les plaidoyers pour des dépistages au niveau National.

Afin de renforcer ces actions et les soins de proximité, nous sommes soutenus par la Fondation Probitas, basée en Espagne dans le renforcement de la qualité des soins et de trois centres, dont Tamatave, Antananarivo et Manakara.

J’ai eu plusieurs faits marquants dans mon parcours mais je vous relate une en particulier qui résume « un tout » dans l’accès aux soins :

Une maman, auprès de qui j’ai été appelé en urgence (toujours lors d’une mission de terrain). Son enfant drépanocytaire, de 8 mois était hospitalisé depuis la veille, mais sans argent, elle n’a pu réaliser les analyses. Il est 6h30 du matin, je suis à l’hôpital, nous lui remettons ce qu’il faut comme argent, elle me confie son bébé dans les bras. elle se hâte, le tube de sang dans la main pour le déposer au laboratoire. Juste le temps « suffisant » pour que son enfant donne son dernier souffle … nous la rappelons, elle refuse de croire que son enfant n’est plus car elle « avait encore le sang chaud  dans les mains »… Nous lui laissons le temps qu’il faut avant qu’elle ne s’effondre.

Tout ceci pour vous dire à quel point ces parcours de soins, et le rouage de notre système, je les connais aussi bien que ceux qui sont font en Europe et au Brésil en Inde et dans les meilleurs services qui soient. Comme partout ailleurs, rien n’est parfait mais c’est justement pour cela que nous sommes à l’œuvre et apportons notre contribution.

Vos objectifs ?

J’espère que Madagascar pourra enfin aboutir à la finalisation du Plan Stratégique Drépanocytose, initié depuis Juin 2017 afin qu’il soit budgétisé et enfin fonctionnel à Madagascar. Une ligne verte d’urgence et de renseignement sur la Drépanocytose est en cours d’ouverture à Madagascar. Projet sur lequel nous travaillons actuellement en partenariat avec Le Ministère de la santé Publique de Madagascar et Airtel Madagascar, dont le Dr Miarana Damasy, co-fondatrice de l’ONG est spécifiquement en charge. Nous comptons sur l’adhésion des autres opérateurs pour que des vies soient sauvés et réduire au maximum le taux de personnes ayant subit des complications faute d’avoir pu être entendu et ou mieux orienter ne serait ce que au téléphone.

L’objectif et le plus urgent aujourd’hui serait d’étendre ses actions au niveau National car la Drépanocytose est un problème National.

Quelles sont les raisons de votre engagement dans cette voie ?

Je dois ce parcours au fait de la vivre au quotidien, en tant que maman d’enfant malade. Ma fille a la drépanocytose, la forme sévère, homozygote SS. J’ai vécue tous les parcours de soins, allant de l’ignorance de la maladie à Madagascar aux errances de diagnostics et aux multiples complications en France. Ces errances de diagnostics ont été préjudiciables pour la santé de ma fille et des complications pour certaines irréversibles. Mais « grâce » à cela et surtout la Bienveillance des médecins, spécialistes, Professeurs spécialistes de la maladie, j’ai appris avec eux, avec elle à appréhender la maladie à scruter les moindres signes, me pencher dans tous les livres et documents disponibles et inimaginables sur la maladie. De maman, je me suis donc très vite mis à la polyvalence d’être médecin, infirmière, aide soignante, kinésithérapeute..psychologue.. mais pas que, car il faut également assurer tout le quotidien d’une vie avec une maladie chronique : les absences répétés au travail pour cause d’enfants malades pas toujours tolérées ni accepté par vos supérieures.

Mais j’ai eu beaucoup de chance d’avoir des collègues et des cadres qui étaient compréhensifs et qui m’ont beaucoup aidé dans ce quotidien qui n’étaient pas toujours évident. Je les remercie du fond du coeur.

J’ai surtout été très bien entourée et conseillée par des personnes qui avaient à cœur le combat que je menais. Qu’ils soient des professionnels de santé, techniciens mais aussi professionnels en matière de stratégies et communications. Le soutien au quotidien et continu des deux co-fondatrices de l’ONG ainsi que le Dr Monique Razafinimanana, qui s’est spécialisée dans la prise en charge de la douleur, l’engagement sans relâche de tous les médecins référents et de nos partenaires, des membres bénévoles. Patrick Rakotomalala, Président de FACT Madagascar pour sa bienveillance et son aide considérable, et mon époux le Dr Luciano Tuseo, aujourd’hui Team Leader pour le Programme Malaria and communicable Disease auprès de l’OMS au Cambodge, qui après avoir travaillé 9 ans à Madagascar, continue de contribuer à sa hauteur et bénévolement à faire avancer notre programme, en m’apportant ainsi qu’à Madagascar son soutien technique, comme le font tous ceux que nous sollicitons dans ce domaine. Nous ne bénéficions pas de “passe-droit”, mais chose est sûre, tout ceci nous permet de mener des plaidoyers et des actions qui ont du sens et qui ne sont pas en marges des recommandations et ou des besoins des malades et du pays. Et les dernières et non pas des moindres, mes enfants envers lesquelles je dois beaucoup et les remercie de leur patience pour mes absences répétées, ma famille, mes amis qui se reconnaîtront, qui ont tous, chacun à leur niveau, leur propre mission de vie à mes côtés, que cela soit de près ou de loin. Une infinie gratitude envers l’Univers pour tout cela.

Avez-vous un message à faire passer à la diaspora expatrié par rapport à votre action ?

J’entends souvent dire par nos compatriotes à l’extérieur de Madagascar, par rapport à la drépanocytose ” heureusement que nous ne sommes plus à Madagascar”…Un rappel : la drépanocytose est une maladie génétique héréditaire non contagieuse, elle ne se quitte pas à la frontière de nos pays et encore moins en s’expatriant. Faites vous dépister où que vous soyez et n’hésitez pas à informer vos proches et relayer les informations.

Nous avons créée cette ONG en Mars 2005 et nous n’avons qu’un objectif depuis toujours et celui ci n’a pas changé : Vaincre ce fléau et agir pour l’accès aux soins pour tous à Madagascar. Peu nous importe la couleur politique de ceux qui se sont succédé au pouvoir depuis.

Lorsque l’on s’engage dans une cause, le combat s’oriente vers cette cause et ne « suit » pas une personne ni une autre idéologie et vous ne serez jamais déçus. Il arrivera des moments où vous vous sentirez incompris, découragés, abattus et ce sentiment d’isolement connu de tous les bâtisseurs … mais ne regrettez jamais d’avoir apporté votre contribution. Il arrivera un moment où il faudra déléguer et lâcher prise…laisser le mouvement continuer et veiller toutefois à ce qu’il soit toujours animé de la même braise et l’attiser de temps en temps pour qu’elle vive continuellement.

Notre site Internet pour suivre nos actions.

L’équipe Madaction vous remercie de votre disponibilité pour la réalisation de ce portrait.