Loin des yeux, mais pas du cœur. Les enfants de la Grande Île veulent apporter leur pierre au développement. Une diaspora qui recherche le bien-être du pays et son propre épanouissement.
“Une diaspora plus forte, fière et active”. Inscrite au dos de leurs tee-shirts, cette ambition colle à la peau des organisateurs de ZAMA 2017. Ces bénévoles de toutes générations donnent rendez-vous à Lille “à tous les enfants de Madagascar dispersés dans le monde”, littéralement “Zanak’i Madagasikara Ampielezana”.
Pendant trois jours, du 7 au 9 juillet, experts et universitaires, artistes et écrivains, entrepreneurs et associations viennent informer, débattre, exposer, échanger sur le campus de l’Institut catholique. Soleil radieux, cadre verdoyant, un vendredi magnifique qui réunit tous les ingrédients pour renouveler le tour de force de 2016 à Aix en Provence où s’est déroulée la première édition avec plus de 400 participants. Setry Rabejaona y était. C’est le déclic. Ce jeune manager ne ménage pas ses efforts au sein de l’équipe ZAMA 2017. Objectif affiché: doubler la fréquentation.
De toute évidence, le grand public fait l’impasse sur la première journée. Une soixantaine de personnes dans l’amphithéâtre assiste à la cérémonie d’ouverture, quelques dizaines de plus pour la suite du programme. On est loin des milliers de participants aux RNS, les Rencontres Nationales Sportives, le plus grand rassemblement de Malgaches hors de Madagascar qui se mesurent chaque année dans différentes disciplines. Pas de quoi froisser l’enthousiasme des organisateurs qui attendent l’affluence pour le lendemain.
Une ambition qui date
Unir les forces de la diaspora malgache: tel est le leitmotiv de ZAMA à partir 2015. Jean Razafindambo, fonctionnaire au Canada, est reconnu comme l’un des initiateurs, en lançant un appel sur Internet. A Malakoff en banlieue parisienne se tient un premier colloque pour “les Etats généraux de la diaspora malgache” et un comité restreint accouche d’un discours fondateur.
La diaspora malgache naît à la création en France de l’Association des Etudiants d’origine Malgache en 1934. Du temps de la colonisation et durant des décennies après, elle développe une fibre patriotique chez des générations de jeunes universitaires malgaches. C’est l’AEOM encore qui crée en 1975 la RNS avant de décliner elle-même des années plus tard. D’autres expériences suivent, sans lendemain ou sans aboutir. ZAMA reprend le flambeau d’une ambition historique, faire de la diaspora un outil de développement.
Le potentiel d’une communauté invisible
Cette diaspora malgache dispose d’une multitude de talents individuels à travers le monde. Mais elle est invisible. C’est particulièrement vrai en France où elle se concentre, observe la statisticienne Mireille Razafindrakoto. Les travaux comparatifs menés par une Unité mixte de l’Institut de Recherche pour le Développement et de l’université Paris Dauphine donnent des résultats saisissants.
Avec 150000 membres comptabilisés, la diaspora malgache en France est la première d’Afrique subsaharienne, derrière les originaires d’Algérie, du Maroc et de Tunisie.
Chiffres probablement sous-estimés dans un pays qui interdit tout recensement communautaire et donc de compter les descendants nés en France.
L’un des facteurs explicatifs de l’effacement relatif de cette diaspora malgache pourrait être son fort degré d’intégration. A tel point que l’on peut s’interroger sur les liens qui rattachent certains à Madagascar, sans conscience ou revendication d’appartenance à une communauté voire sans transmission de la langue. Au-delà de sa masse, la diaspora malgache en France se distingue aussi par la part prépondérante des femmes qui représentent 63% des effectifs.
De son côté, l’Etat malgache innove. En février 2016, il crée une Direction de la Diaspora au sein du ministère des Affaires Étrangères. Parmi ses actions, l’assistance à 70 travailleurs migrants victimes de la traite dans des pays du Golfe. Dans le cadre de sa “diplomatie économique”, le gouvernement dit vouloir s’appuyer sur l’investissement de la diaspora, des transferts d’argent aux transferts de compétences. Après un premier sondage qui a obtenu 400 réponses, il annonce un Forum de la diaspora à Antananarivo du 26 au 28 octobre 2017. Mais un sentiment de méfiance réciproque entrave les bonnes relations de Madagascar avec sa diaspora.
Symptôme le plus flagrant: la non inscription des Malgaches de l’étranger sur les listes consulaires. En France, 6000 ressortissants seulement ont franchi le pas. Lors d’une conférence, un participant a clairement énoncé la crainte que ces listes puissent être transmises à l’administration française pour traquer d’éventuels sans-papiers. Crainte immédiatement réfutée par Lanto Rahajarizafy, la directrice de la diaspora. Il faudra en faire plus pour susciter l’adhésion. A cet égard, elle n’a pas de réponse à l’une des principales revendications de la diaspora: le droit de vote. Selon elle, la diaspora souffre aussi d’une mauvaise image auprès de la population malgache.
Diaspora et crise politique
Les crises politiques à Madagascar ont un impact sensible. Elles génèrent un lot d’exilés qui n’attendent que l’occasion d’une revanche. Elles exacerbent les clivages et étiquettent ceux qui prennent position. Dans un autre registre, chaque crise politique provoque une baisse de la création d’associations françaises dont l’objet est en lien avec Madagascar.
Une autre dimension met à l’épreuve le mouvement de ZAMA. Elle divise en deux groupes de travail ceux qui s’attachent à “construire des structures faitières” et ceux qui organisent une manifestation mondiale de rassemblement. Stratégie verticale ou horizontale, opposée ou complémentaire, personne ne souhaite officiellement de rupture.
Pour Patrick Rakotomalala, “il n’y a pas de fracture, car il n’y avait pas d’unicité dès le début”. Membre fondateur de ZAMA, cet ingénieur en informatique et dirigeant d’entreprises a créé à la fin 2014 FACT Madagascar, une fédération d’associations et d’ONGs de la diaspora dont il est devenu un animateur de premier plan. Il investit beaucoup de son temps. Son argent aussi, puisqu’il annonce avec fierté être le mécène de la première édition à Aix en Provence en 2016. “ZAMA n’a pas de propriétaire”, souligne-t-il. A sa grande satisfaction, il garantit que ce rendez-vous de la diaspora est désormais annuel et auto-financé.
Publication TV5 Monde mis à jour le08/07/2017 par Philippe RANDRIANARIMANANA